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Les inondations meurtrières en Grèce sont-elles liées au réchauffement climatique ?

Publié le 8 septembre 2023 à 13h37, mis à jour le 8 septembre 2023 à 14h16

Source : JT 13h Semaine

La tempête Daniel a provoqué des inondations meurtrières en Grèce.
Certaines estiment que cette perturbation qui touche le pays depuis lundi est liée au réchauffement climatique.
Une piste confirmée par les premières analyses scientifiques.

La plus grande plaine de Thessalie s'est transformée en un "immense lac". C'est l'expression choisie par le porte-parole des pompiers grecs, Yannis Artopios, pour décrire le paysage dévasté laissé par les pluies diluviennes qui se déversent sur la Grèce depuis le lundi 4 septembre. Des inondations décrites comme "historiques" par certains internautes, qui y voient l'impact du réchauffement climatique. Mais si la tempête baptisée "Daniel" a été qualifiée de phénomène "extrême en termes de quantité d'eau tombée en l'espace de 24 heures" par les services météorologiques du pays, peut-on la lier à la hausse des températures ?

Une mer plus chaude qui intensifie le phénomène

Pour tout comprendre à ce sujet, il faut d'abord revenir sur la manière dont se forment les tempêtes. Comme le rappelle notamment Météo-France sur son site, elles naissent lorsqu'une masse d'air froid qui descend du pôle Nord entre en conflit avec une masse d'air chaud qui remonte de l'Équateur. Lorsque celles-ci se rencontrent, elles provoquent un "courant-jet", ce "tube de vent très fort qui circule d'ouest en est", comme l'explique le service météorologique. Quand ce courant-jet croise sur son passage des perturbations, la rencontre est explosive. 

Habituellement, la tempête évolue donc d'ouest en est. Sauf qu'actuellement, l'Europe traverse le "blocage en oméga", qui est à l'origine des fortes chaleurs en France. Par sa présence, ce phénomène a "fait dériver les perturbations atlantiques", vers l'est de la mer Méditerranée, comme le souligne le climatologue Davide Faranda. "Cet air frais a alors rencontré une mer méditerranée extrêmement chaude", poursuit le chercheur du CNRS au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement, avec des records de chaleur battus cet été, dont 28,7° mesurés en juillet.

Or, cette "canicule marine" est bien amplifiée par le changement climatique. Selon le rapport spécial du Giec sur l'océan et la cryosphère, entre 2006 et 2016, plus de huit épisodes de canicule marine sur dix peuvent être attribués au changement climatique dû aux activités humaines. "Si le réchauffement climatique est évalué à environ 1,2°C sur l'ensemble de la planète, il est plus important dans certaines régions, et notamment la mer Méditerranée", souligne ainsi notre interlocuteur. Ce bassin peine en effet à évacuer la chaleur, car il "ne communique avec l'océan qu'à travers le détroit de Gibraltar". Si bien que d'après une étude du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), cette mer se réchauffe à un taux 20% plus rapide que la moyenne mondiale. 

Ce que confirment les statistiques. Dans une analyse publiée sur le site ClimaMeter, le chercheur du laboratoire des sciences du climat et de l'environnement a récupéré les données sur les situations météorologiques similaires observées dans le passé (sur la période 1979-2000) pour les comparer à celles enregistrées dans une période récente (2001-2022). Résultat, Davide Faranda affirme que les dépressions sont "plus intenses dans le présent que dans le passé" et "produisent des quantités de précipitations plus importantes". La seule variabilité naturelle du climat ne peut donc pas à elle seule justifier l'intensité de la tempête. 

Une analyse sur laquelle s'accorde le climatologue Christophe Cassou. Sur le réseau social X, le chercheur au CNRS et membre du Giec souligne que ces événements qualifiés d'extrêmes sont "dopés, rendus plus probables et intenses par l’influence humaine". Par ailleurs, c'est aussi l'aggravation des conséquences de cette tempête qui est liée à l'activité humaine. Les sols ravagés par les incendies de cet été - dont l'intensité est là aussi liée au réchauffement climatique - ne permettent plus de retenir les glissements de terrain, et l'urbanisation accroit le ruissellement dans des rues transformées en torrent.

En résumé, la tempête Daniel, qui a provoqué le phénomène le plus extrême en Grèce en termes de quantité d'eau tombée en l'espace de 24 heures depuis que le pays possède des archives sur le sujet, est un événement jugé "inhabituel" par son intensité, qui peut être attribué au changement climatique d'origine humaine.

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Felicia SIDERIS

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